jeudi 15 mai 2008

Des sentes décentes


La Ruelle des Fourneaux à Villemoisson-sur-Orge


Il y a, à mon avis, deux occasions qu’il ne faut jamais laisser passer : celle de s’instruire et celle de rigoler. Quand on tombe sur les deux à la fois, c’est le pied. Et ça va être le cas ici.

Il s’agit du fameux «réseau de sentes» qui serait une spécificité remarquable de la ville de Villemoisson-sur-Orge. Ces sentes que l'ami François Camembert, reconverti dans la poésie après une longue désintoxication, slame le samedi soir chez l’amie Geneviève de Tonnelet, elle-même touchée dorénavant plus par la grâce du verbe que celle du verre et des senteurs de buis et de fruits blancs du sauvignon nouveau. Mais lisons un peu François avant de l’écouter bientôt peut-être :

Nonchalantes les sentes
Serpentent du coteau.
Ouvriers et caissières
Les arpentent bientôt.
Employés, fonctionnaires,
Les suivent aussitôt
Quant aux intérimaires,
C’est plutôt le tantôt
Qu’ils descendent du coteau,
Pour aller au boulot
Et prendre le RER

En passant l’escalier
Qui va à la rivière
Ils auront une pensée
Pour tous ces écoliers
Et ces écolières
Qui au siècle dernier
Et même celui d'avant
L’ont franchi en courant
Tout en se poursuivant
etc...

Donc, si réseau de sentes il y a, la question est de savoir ce qu’on entend vraiment par là. Les dictionnaires ne nous y aident guère. En ce concerne le mot sente, tous nous donnent pour simple explication : sente = sentier. C’est tout et on n’est guère avancé. Quant au mot réseau, c’est tout le contraire, il y en a des tartines. Et on hésite entre l’idée d’enchevêtrement appuyée d’ailleurs dans le Petit Robert par un exemple d’application tout à fait approprié et dû au pape du Nouveau roman, Alain Robbe-Grillet : «l’inextricable réseau de sentiers qui sillonnait en tous sens les ajoncs nains de la falaise» et le concept de système organisé comme dans les réseaux d’assainissement, d’électricité, d’espionnage, etc. Exemple du dictionnaire : «Rien de ce qui concerne l’occupant n’échappe à nos réseaux» (De Gaulle)

Pris alors du plus grand doute, je me suis dit que de bien plus savants que moi avaient dû se poser la même question mais en y apportant des réponses et en les faisant connaître au monde entier par le moyen d’Internet. Et , comme vous l’auriez sans doute fait à ma place, je me suis retourné vers Google, pour lui demander d’interroger le monde de l’htttp et des wikis afin de m’indiquer l’adresse de tous ceux capables de m’initier au mystère du «réseau de sentes». 0,29 seconde après, le super fouineur du web annonçait 105000 résultats environ et en alignait la première page dans laquelle, avec étonnement, je me retrouvais en deuxième et troisième position avec des renvois au site perso dont dépend ce blog.


New York 2008

Rigolade de voir le plus ignorant de tous dans le tiercé de tête, même si avec cent mille participants il ne s’agissait que d’une petite compétition de quartier. Mais que du beau monde ! Beaucoup d’urbanistes pour la plupart des beaux endroits de l’Ile de France. Et que de beaux discours ! Les considérations sur leurs réseaux de sentes s’accompagnent de projets de «corridors écologiques» de «jardinage durable» de «circulations douces» etc. Les réseaux de sentes sont généralement qualifiés de : rares, anciens, importants, originaux. Ils sont assez souvent situés sur des coteaux. Des circuits pédestres permettent d’en faire le tour. Cela permet d’évoquer le bon vieux temps de l’agriculture, de l’arboriculture de la vigne, du bon petit vin blanc. Des sentes on ne plus décentes, somme toute. Un peu « bobo» peut-être, diront certains.


Camino Inca

Au passage Google nous renvoie vers d’autres sentes, sur le Chemin des Incas qui mène au Machu-Pichu, pour nous ramener aux circulations dites douces et à l’encouragement à la pratique du vélo. Ce qui, là non plus, ne semble pas une bataille gagnée d’avance lorsqu’on voit fleurir un peu partout le long de l’Orge, notre Ushuaia à nous, des pancartes qui invitent les cyclistes à ralentir.


Conclusion provisoire : il y a des mots comme circulation et douceur, devoir et mémoire, égalité et chances, qui semblent, depuis toujours, avoir bien du mal à s’accorder. On en reparlera.

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